Lotcikovs et les échecs du système judiciaire du football : il a été sanctionné pendant un an pour avoir truqué des matchs, puis acquitté

Un footballeur accusé à tort de trucage de matchs avant que le Tribunal arbitral du sport (TAS) n'annule sa sanction a décrit comment il a passé les deux dernières années de sa vie à « se battre pour la justice ».

Le défenseur letton Arturs Lotcikovs a été condamné à une suspension de 12 mois et à une amende par la Fédération lettone de football (LFF) après avoir été accusé d'avoir truqué un match de deuxième division en octobre 2023 alors qu'il jouait pour le Dinamo Riga.

Lotcikovs, alors âgé de 23 ans, a été convoqué au siège de la LFF où, après un entretien de 10 minutes, sans procès formel et sans représentant légal, la fédération a jugé qu'il était coupable de trucage de match, bien qu'il n'ait fourni aucune preuve concluante. L'ancien international des moins de 21 ans a donc dû s'adresser au TAS, où il a fait appel de sa sanction avec succès un an plus tard.

Le cas de Lotcikovs, qui tente toujours de laver son nom devant les tribunaux lettons, illustre les lacunes du système judiciaire du football en matière de protection des droits des footballeurs : bien qu'il ait obtenu gain de cause devant le TAS, Lotcikovs a dû faire face à une interdiction unilatérale qui l'a privé d'un temps de jeu précieux à un moment crucial de sa carrière, sans parler des frais de justice.

Contexte

Après quatre saisons et demie en première division lettone, Lotcikovs signe au Dynamo Riga, club de deuxième division, en juin 2023. Quatre mois plus tard, l'équipe menait 3-0 dans un match de championnat contre le FK Tukums 2000 II, mais a encaissé quatre buts en seconde période pour s'incliner 4-3.

« Après ce match, je suis resté assis dans ma voiture pendant une heure à réfléchir à ce qui venait de se passer », se souvient Lotcikovs. « Je suis un joueur qui se bat toujours pour gagner des matches ».

Le comité d'éthique de la LFF a ouvert une enquête sur des allégations de matches truqués et un certain nombre de joueurs du Dynamo Riga, dont Lotcikovs, ont été emmenés au siège de la fédération.

« La fédération a fait venir huit ou neuf joueurs au bureau », explique Lotcikovs. « Chacun d'entre eux a tenu des réunions au cours desquelles un joueur était opposé à quatre d'entre eux. Lorsque je me suis présenté à l'entretien, dès la première minute, ils m'ont dit que j'étais coupable ».

Interdit de football en Lettonie pendant 12 mois, Lotcikovs a fait appel et a rejoint un club italien en février 2024, mais l'ombre de la décision de la LFF plane toujours.

« La fédération lettone a envoyé une lettre à ma nouvelle équipe et à la fédération italienne pour leur dire qu'après la décision de la commission d'appel, ils essaieraient de prolonger ma sanction dans le monde entier par l'intermédiaire de l'UEFA et de la FIFA.

« Bien qu'il soit légal pour moi de jouer en dehors de la Lettonie, j'avais le sentiment que la fédération faisait tout son possible pour m'empêcher de jouer, même à l'étranger. Moi qui ai joué pour toutes les équipes nationales jusqu'au niveau des moins de 21 ans, je ne comprenais pas pourquoi ils agissaient de la sorte ».

L'assistance juridique de la FIFPRO contribue à porter l'affaire devant le TAS

Lotcikovs s'est tourné vers la FIFPRO pour obtenir des conseils et un soutien juridique. « Sans la FIFPRO, je n'aurais pas pu payer les frais juridiques pour porter l'affaire devant le TAS. Et lorsque la fédération a compris qu'il y aurait une procédure judiciaire, elle m'a proposé un marché pour supprimer l'amende en échange de l'annulation de l'affaire devant le TAS. Peut-être pensaient-ils qu'ils perdraient l'affaire devant le TAS ».

Lotcikovs a fait appel avec succès devant le TAS, qui a jugé qu'il n'y avait aucune preuve qu'il avait manipulé individuellement un match. Bien que cette décision soit une victoire pour Lotcikovs, il n'a pas été indemnisé pour les frais de justice ni pour la période pendant laquelle il n'a pas pu travailler pendant une phase cruciale de son développement.

« J'avais 23 ans lorsque j'ai été suspendu et, bien que je n'aie pas reçu de salaire pendant cette période, l'argent n'est pas important pour moi, c'est le temps qui l'est. À cet âge, je me battais pour mon avenir ; j'allais dans une équipe inférieure pour avoir la chance d'être promu plus tard, alors c'était un coup dur de perdre une partie de ce temps ».

La lutte pour la justice continue

Lotcikovs, qui n'a pas joué au football en Lettonie depuis son interdiction initiale, envisage de porter son affaire devant les tribunaux du pays, une procédure potentiellement longue et coûteuse, afin de laver entièrement son nom.

« Nous avançons pas à pas. Comme la Fédération lettone de football a refusé notre demande de saisir les tribunaux civils, nous devons maintenant passer par le ministère des Sports du pays », explique Lotcikovs, qui a terminé la saison 2024/25 en jouant à Chypre.

Lotcikovs utilise son histoire pour mettre en lumière les failles du système judiciaire du football et pour avertir les autres footballeurs des dangers qu'ils encourent.

« Les joueurs doivent savoir qu'ils peuvent demander de l'aide à des organisations comme la FIFPRO. Il semble impossible qu'une fédération puisse imposer une telle sanction comme ça, mais c'est vrai. Si les fédérations étaient tenues de rendre des comptes, par exemple en devant payer des indemnités lorsque les joueurs sont déclarés non coupables, cela aurait un effet dissuasif.

« Après tout, je ne suis qu'une personne, alors que la fédération d'un pays dispose d'une équipe d'avocats et d'un important soutien financier. Pour eux, ce n'est rien ; pour moi, ce sont deux années de ma vie ».